Comment Je suis Charlie m’a fait hésiter à dessiner

Le dessin est une activité qui occupe normalement une bonne partie de mon quotidien. Du gribouillage au dessin final, j’aime dessiner tout et n’importe quoi. C’est pour moi une manière d’exprimer des idées d’une autre manière que par les mots, et surtout d’une façon qui ne m’oblige pas à verbaliser. C’est également un moyen de figurer des choses qui me passent par la tête, que cela ait du sens ou non. Mais c’est aussi un journal visuel, grâce auquel je retrouve des souvenirs et des ambiances que j’ai vécues.

Lors des événements qui ont eu lieu début janvier 2015 à Paris, je me suis sentie très oppressée. Je crois que je ne paniquais pas vraiment, mais le terrorisme avait eu l’effet escompté sur moi : le sentiment de pouvoir être une cible à n’importe quel moment. Je me suis peu exprimé à ce sujet malgré un bref billet, mais je crois que j’avais surtout besoin de calme et de silence. Avec toute cette agitation, je ne voulais juste que cela se termine et qu’on puisse de nouveau être à peu près serein dans notre quotidien. Issue d’une famille de réfugiés politiques, j’avais peur de devoir moi aussi être arrachée de chez moi pour des raisons de sécurité. La proximité de Charlie Hebdo avec le bureau de mon compagnon, et celle de l’Hyper Cacher avec mon lieu de travail, et à 600 mètres de chez moi, ne m’encourageaient pas vraiment à me réfugier dans un “c’est loin tout ça”. Le jour de la prise d’otage à Porte de Vincennes, j’ai mis des heures à rentrer chez moi, non pas par manque de moyens de transport, mais parce que j’attendais un moment où je saurai que les policiers seraient partis. Je ne voulais pas être témoin de cette violence, même passée.

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Le lendemain, j’ai repris mon carnet et mes stylos. J’ai commencé à dessiner les personnes devant moi, comme je le fais souvent quand je n’ai pas beaucoup d’inspiration. Puis je me suis sentie étrangère à mon dessin.

Peut-être que de voir une série de revendications de crayons comme des symboles m’avaient paralysée. Je ne me sentais pas de cette lutte. J’étais juste épuisée, et le dessin qui habituellement m’apporte du bien-être, était cette fois une activité pénible. De quel droit, moi, je pouvais m’exprimer avec des dessins ? En quoi portais-je cette grande liberté d’expression qu’on aime clamer, et fallait-il vraiment que j’entre dans cette revendication, moi qui peut être timide et qui intériorise tant de choses ? À ce moment, j’ai senti que le dessin n’était pas pour moi, en tous cas pas comme se le représentaient des milliers de personnes.

Aujourd’hui je reprends mes crayons et mes stylos, mais différemment. Je n’ai d’ailleurs toujours pas ressorti mes pinceaux. Il me faut ré-apprivoiser le dessin, retrouver mon propre moyen d’expression.

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