Toujours pas trop vieille pour continuer à apprendre

Soyons tout d’abord clairs sur ce que je vais raconter. J’ai 33 ans, calmez-vous, je sais que c’est très jeune. Surtout à notre époque où on peut entrer dans la vie professionnelle relativement tard. Ce qui n’est pas un argument si valable dans mon cas si nous considérons que j’ai commencé mon activité professionnelle à la moitié de ma vie, à peu près. Terrifiant, non ?

Pendant longtemps et surtout entre 15 et 23 ans, j’ai ressenti beaucoup de frustration et de regrets dans ma vie. Je pense que cela a en grande partie été nourrie par ces histoires d’orientations professionnelles où dès le collège on te raconte que le choix que tu vas faire aujourd’hui va influencer radicalement le reste de ta vie. Oui, cela aura une influence, mais non, rien n’est inaliénable. En tout cas, pas par rapport à ce que je voudrais exposer ici. Aujourd’hui, à 33 ans, j’ai l’impression que j’ai enfin atteint le mode de vie avec lequel je me sens relativement équilibrée entre mes projets professionnels et mes projets personnels. La subtilité étant que dans mon cas, la frontière entre les deux est extrêmement mince. Les deux se répondent et s’enrichissent mutuellement. Donc je ne sais jamais vraiment si je suis en train de travailler ou pas, et mes proches non plus, certainement. J’ai donc fini par définir la barrière ainsi : je travaille pour les autres, ou je travaille pour moi. Et travailler pour moi, même cela concerne une tâche que j’aurais pu faire pour quelqu’un d’autre, c’est tout aussi valable. Sans ce que j’apprends quotidiennement au travail, ici serait certainement très différents. Ou bien aurais-je choisi de faire un blog très éditorialisé et très étudié alors que je me sers de Ecribouille.net justement comme un fourre-tout intellectuel où je peux jeter l’ensemble de mes pensées et réflexions.

Cependant, maintenant que j’essaie d’assumer que tout ceci n’est pas vain et que cela représente même un facteur dominant dE l’état actuel de ma carrière pro (elle se porte quand même bien), j’ai décidé que j’avais même le droit de monétiser ou de faire partie des gens qui peuvent prétendre à ce qu’on pourrait assimiler à du semi-pro pour mes activités créatives. Ce que je faisais déjà sans en parler, puisque techniquement je vends également des visuels. C’est même plutôt vrai, mais vous noterez ma grande tendance à minorer tout ce qui peut avoir l’air d’être créatif en ce qui me concerne.

Cela se voit dans la façon dont j’ai nommé les rubriques de ce blog. Elles ont énormément évolué en 14 ans (QUATORZE ANS ?!). Mais regardez, il y a une rubrique appelée « créativité » alors que j’aurais pu l’appeler « création(s) ». Toutes mes tentatives de vie créative ont été sabordées par un auto-sabordage violent perpétré par moi-même sans préméditation. Maintenant que j’y repense a posteriori, je réalise à quel point j’ai pu être cruelle et violente envers Syphaïwong (c’est mon prénom, au cas où vous ne saviez pas).

Alors que oui, c’est comme ça. J’aime plein de choses. J’aime surtout apprendre comment fabriquer des choses à bricoler des trucs pour finalement espérer à un machin. Tout ce qui me demande de comprendre un système, de plonger dedans et espérer d’arriver à un résultat probant… je tombe dedans. C’est ainsi que j’ai pendant 1 bonne année fait du tricot à n’en plus finir jusqu’à m’ennuyer car j’avais compris comment tricoter en rond avec 3 aiguilles pour faire du jacquard et des torsades (super matériel de tricot à vendre pour pas cher). Mais j’ai aussi des lubies qui ont duré depuis de nombreuses années et qui sont même nées bien avant que je ne songe à planifier une quelconque trajectoire professionnelle. D’ailleurs, je pense que j’ai cherché à tracer quelque chose uniquement parce qu’on me demandait de le faire. Actuellement je comprends que j’aimerais juste qu’on me laisse tranquille pour bricoler mes trucs sans que ce ne soit forcément lié à un statut même fiscalement parlant.

Alors dans ma vie, j’ai été plus que frustrée de ne pas avoir choisi ou suivi les voies royales. J’ai mené des études absolument chaotiques, même pas terminées. Je me suis juste débrouillée pour valider chaque année une par une, afin de passer à autre chose ensuite. Et je n’ai jamais réussi à avoir une seule activité à la fois. Certains diront que c’était pour l’argent (oui), et d’autres répondront que c’est parce qu’autrement je m’ennuie (oui). Aujourd’hui encore, je m’ennuie. Je passe mon temps à chercher de nouvelles sources de stimulation pour ce cerveau jamais rassasié. Cela m’épuise parfois, mais c’est comme ça.

Mais la frustration était là. Même si je pense maintenant que je ne pouvais pas faire autrement à moins de devenir complètement ouf gueudin, ça m’a aussi rendue complètement ouf gueudin de ne pas parvenir à faire les choses jusqu’au bout : comme finir une école, un cursus, ou n’importe quoi de ce genre. Mais hey, il n’est jamais trop tard pour apprendre. Et encore moins apprendre comment on fonctionne et ce qui nous va bien.

Je crois que j’ai surtout compris et accepté que c’était bien normal de ne pas tout faire et tout réussir tout de suite. Ou du moins que le suivi d’une voie royale où on coche une case par an n’est pas forcément la seule et unique façon de réussir sa vie. Je parle de réussir sa vie au sens de mener un quotidien grosso modo d’une façon qui ne paraît pas être un sacrifice à chaque minute qui passe, et de ne pas souffrir de problèmes financiers majeurs.

Aussi, que c’est normal de ne pas aimer 100 % de sa journée, ou sa semaine, ou de son année. Je crois que c’est peut-être le truc le plus mature que j’ai pu me dire jusque là. Ouep, la vie c’est parfois nul. L’essentiel c’est de réussir à l’orienter vers ce qui nous paraît le plus important pour nous et de suivre le chemin qui nous permet de se sentir bien. Quel que soit le chemin, la longueur du chemin et la destination choisie. Maintenant oui, on a pas tous un chemin aussi cool à parcourir. Comme dans Grim Fandango, soit tu montes dans un train express, soit tu pars à pied. Cela peut aussi être quelque chose entre les deux. Pour ma part, je pense avoir parcouru un chemin très caillouteux avec quelques montagnes sévèrement pas cools. Big up à Miley Cyrus.
Mais j’étais quand même relativement bien équipée en matériel d’alpinisme. Aujourd’hui, mon chemin s’est amélioré grâce à des travaux d’urbanisme assez conséquents que j’appelle communément « j’ai sué et pleuré des larmes de sang ».

There’s always gonna be another mountain
You’re always gonna wanna make it move
Always gonna be an up hill battle
Sometimes I’m gonna have to lose
It ain’t about how fast I get there
Ain’t about what’s waiting on the other side
It’s the climb

The Climb, Miley Cyrus

Dorénavant, je suis plutôt avantagée. J’ai choisi de créer une entreprise afin de continuer à travailler plus ou moins dans un milieu qui m’intéresse mais qui est facturable, afin de pouvoir libérer du temps pour continuer à développer des choses plus rigolotes et intéressantes pour moi. Encore une fois, pro et perso se répondent tellement, qu’aujourd’hui je suis certaine que le temps que je passe en rat de bibliothèque ou en exploratrice, même parfois par simple envie, est largement amorti. Justement, à force de me documenter et de rencontrer des personnes qui ont des parcours que j’envie, je vois bien que rien n’est instantanée. Il y a du chemin, c’est normal. Et finalement même ça, ce n’est pas important. Autant essayer de faire les choses avec toute l’application possible en fonction de sa disponibilité du moment (physique, mentale, financière, familiale)… et on avance. Et regardez, aujourd’hui j’arrive à me dire que je peux attribuer du temps à ces projets créatifs que j’ai mis de côté pour d’abord construire un socle financier, cela m’a demandé 8 ans de ma vie. Entreprendre sans aucun finrancement que ce soit du côté de Pôle Emploi, de charges allégées obtenus potentiellement grâce à un statut de demandeur d’emploi, de subventions, d’emprunt, d’argent familial… ce n’est pas simple. J’avais mon petit compte épargne de jeune consultante de 25 ans quasiment vidé déjà par les études. Je n’ai pas entrepris pour faire de la trésorerie, j’ai entrepris directement pour payer mes factures et acheter à manger. Parfois je parle à des entrepreneurs (récents) et je leur envie cette relative sérénité obtenue grâce à l’ACRE que je n’ai jamais eue. Et je crois que, parfois, je ressens le besoin qu’on me dise « Oui Syphaï, tu as énormément travaillé pour en être arrivée là, tu n’as pas sué, pleuré et perdu des heures de sommeil pour rien ». Juste pour moins me sentir seule.

Alors me voilà à 33 ans en train de faire des choses que je rêve depuis mon enfance et qui ont toujours été des pensées enfouies dans mon cerveau. Ma phobie de l’insécurité financière fait que je ne m’étais pas autorisée à travailler ces choses aux réputations précaires. Si j’avais vraiment « tout lâché pour » plus jeune, cela aurait sûrement créé encore plus de panique dans ma vie, pour revenir à l’auto-sabordage. Je réalise aussi que je n’ai absolument aucun esprit carriériste. On pourrait le croire, jeune entrepreneure sans envie et libre d’aller et venir. Je vois dans le mot « carriériste » une recherche de gloire. Mais je pense beaucoup trop à essayer de réaliser des projets pour me soucier des conséquences que cela peut avoir sur l’évolution de ma réputation. Ou même de l’avis que je pourrais avoir sur moi-même. Je bricole, ça me va.
Pourtant tout cela a quand même des (bonnes) conséquences. Depuis quelque temps, c’est très difficile à gérer pour moi qui suis de nature introvertie et facilement gauche lors des interactions sociales. Ce n’est pas que je n’aime pas les gens : cela me coûte beaucoup d’énergie de socialiser. En même temps, je suis très reconnaissante et très heureuse que des personnes apprécient mon travail et ce que je suis. C’est vraiment incroyable.

Pour continuer dans la lignée des références aux productions Disney, ça serait quand même bien que je parvienne à faire comme Demi Lovato à la fin de Camp Rock 2. Cette dernière phrase est directement inspirée de la playlist qui s’est lancé quand j’ai voulu mettre le lien du clip de The Climb de Miley Cyrus pendant que j’écrivais. Là c’est passé sur High School Musical. Je suis née en 1989, laissez-moi kiffer la vibe.

Alors maintenant que j’ai la disponibilité mentale pour réaliser ces projets, j’essaie dorénavant de les assumer. Pas forcément fièrement, mais au moins de m’affirmer en tant que créative. On en reparle dans quelques mois.


Les photographies de ce billet furent prises durant un séjour au Royaume-Uni et plus particulièrement à Brighton du 18 au 22 avril 2023.


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