J’écris à l’envers.

Je lis et j’écoute depuis des décennies ces gens qui racontent comment ils racontent. Comment ils cherchent et comment ils transmettent. Si leurs idées viennent pendant qu’ils écrivent ou si, à l’inverse, ils disposent d’une méthode précise pour composer. Je ne sais pas si cela est dans une ambition de moi-même raconter, ou bien de simplement chercher à comprendre le monde au travers de ceux qui en tentent une description.

J’ai essayé beaucoup de choses. J’ai écrit en griffonnant pour mettre à plat mes pensées et les reprendre plus tard, j’ai composé des plans détaillés et illustrés pour communiquer mes intentions, j’ai aussi écrit à la volée sans savoir ce qui se passerait dans le paragraphe suivant. Parfois, je m’endors avec des phrases en tête et des idées que j’oublie de noter en espérant que je m’en souviendrais le lendemain matin. Cela fonctionne quelques fois. Finalement, je me suis surtout mise à écrire à l’envers.

Je sais généralement à peu près ce que je vais dire, je prends des notes pour poser dans quel ordre j’ai envie de les raconter, puis j’écris à l’envers. Je commence par la fin. Puis je remonte vers l’introduction. Ce n’est pas elle la plus importante, mais c’est elle qui ouvre tout.
Les notes posées, sont le plus souvent des tournures et des manières de développer qui me semblent le mieux exprimer ce que j’essaie de transmettre. Ce sont quelques morceaux de phrases. Puis j’englobe le reste de transitions pour que cela ait un peu de sens. Ou au moins presque autant de sens pour vous que cela n’en avait dans mon esprit.

Je me rends compte que ce qui me semble le plus intéressant, c’est tout ce qu’il y a entre les lignes, ce que l’on ne voit pas bien dans les interstices mais qui font tout le sens. J’écris à l’envers.

J’écris à l’envers du décor. Les mots échangés entre deux sauts de ligne et ceux que l’on retient dans une respiration. Pour se rendre compte qu’une main posée sur la peau est capable de raconter beaucoup plus que mille verbiages.
J’écris aux médias intermédiaires, aux morceaux de transition, aux échanges non verbaux qui portent plus de sens que n’importe quelle formulation éloquente. Une image, une photo, une musique, une lecture que l’on conseille. J’écris pour eux, ces silences que l’on vit et que l’on ressent, porteurs de sentiments et d’attachement.
Écrivez, et si vous n’y arrivez pas, ne dites rien, n’oubliez pas que le langage est pluriel et qu’il y a tant de façons d’exprimer une seule chose.


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