Ne s’être jamais posé la question de la légitimité

Il a fallu que je vérifie attentivement les règles d’accord pour les verbes pronominaux avant de publier le titre de ce billet. Cela me met tant de pression que je pars souvent en périphrases pour éviter absolument ce type de formulation. Et pourtant, pour des raisons curieuses, j’aime bien la grammaire… et la fiscalité ? Plus il y a de facteurs déterminants, plus cela me paraît intéressant. Ou mener son existence dans un arbre de décision géant. Virtuel, mais gigantesque.

Bienvenue dans le billet squatté par le gang des phrases trop longues.

Dans mes pérégrinations professionnelles, et dans ma vie en général, j’ai rencontré de nombreux moments de frustrations. J’ai tenté des études que j’ai plus ou moins réussi mais changeant de formation presque chaque année (validant quand même lesdites années, parce que ce serait dommage de s’être déplacé pour rien). La vraie frustration ne fut pas d’échouer dans certains domaines (ça arrive) mais que l’on me refuse des choses par principe pas très justifiés. Ma très franche incompréhensions devant des a priori a toujours généré chez moi une colère. Ou même une rage qui m’a plutôt donné envie d’aller vers des voies que l’on ne me destinait pas, par pur instinct de faire chier. C’est sans doute ce qui a fait que j’ai avancé, pas si mal, mais aussi ce qui m’a parfois distraite de mes vraies envies. Parmi les réflexions que je mène en tâche de fond, il y a celle de la méritocratie et de la possibilité d’entreprendre. Les situations favorables et les freins qui apparaissent dans une vie. Que ces éléments soient déjà présents, externes, ou totalement internes.

Au cours de ma carrière, et de ma vie, j’entends de très nombreuses fois parler du syndrome de l’imposteur. Il faut dire que c’est souvent dans un contexte qui a tendance à m’agacer. Celui où l’on dit que les femmes ne sont pas assez présentes publiquement dans mon milieu professionnel en raison du fait qu’elles auraient moins confiance en elle et qu’elles ressentent le fameux et célibrissime syndrome de l’imposteur. Il a bon dos l’imposteur. Qu’est-ce que cela m’irrite ! Cela me gratte littéralement le cerveau d’entendre ça. C’est rejeter la faute sur les femmes, encore une fois sur leur présumé caractère faiblard et demoiselle en détresse. Écoutez, peut-être que certaines personnes manquent de confiance en elle, mais comme dirait Charles Pépin dans son livre, la confiance en soi est aussi quelque chose que l’on donne. Ce n’est pas quelque chose d’inné qui est présent dans certains corps comme immaculée conception. Une personne à qui on dit durant des années, ou depuis son enfance, que d’être présente sur le devant de la scène pour parler n’est pas son truc, elle y croit. Une personne à qui on donne au moins la possibilité de s’imaginer sur une estrade pour déclamer ses réflexions, aura beaucoup plus de facilité à sauter le pas. Et c’est notamment pour cela que certains entourages et milieux sont plus favorables que d’autres. Il s’agit également de la fonction du souvent évoqué « role model ».

En ce qui me concerne, j’ai en théorie été plus concernée par le milieu défavorable. Pas toujours encouragée, mon entourage familial (surtout parental) était plutôt défaitiste et je pense qu’ils m’ont laissé faire ce que j’ai fait en grande partie par dépit et incompréhension de mes projets. Parce qu’après tout, il fallait bien commencer quelque part. Mais dès la plus petite enfance, je ne pouvais pas me consacrer ou même tester des activités car il était admis que je n’y arriverais de toute façon pas. C’est sans doute pour cela que mes intérêts se portèrent et se portent aujourd’hui vers l’étude d’informations (au sens large), le dessin, la photo. Ces activités qui ne dépendaient pas tant de mes parents et de leur bonne volonté de bien vouloir me laisser avoir une activité extra-scolaire. On a dans la famille une tendance à être persuadé qu’on est fait pour l’échec. On n’y voit que les freins. Ainsi très littéralement il m’a été dit que je n’arriverais jamais à monter d’un échelon social en raison du fait que soit une personne du genre féminin, d’origine étrangère et avec un prénom compliqué. Écoutez chers parents, c’est pas moi qui aurait pu faire un effort pour le prénom. Résultat des courses, j’ai une identité secrète : je m’appelle Sophie dès qu’il faut donner mon prénom quelque part.

Au final, l’expression franche de pessimisme en ce qui concerne mon avenir ne m’a pas découragée. Au contraire, je fus tôt animée d’une forme de colère sombre selon laquelle « c’est pas normal, je fais ce que je veux ».

Je n’ai jamais ressenti le loisir de me dire que j’étais un imposteur, ou de me demander si j’avais ma place dans ce que je faisais. Je dois admettre que c’est même quelque chose qui me laisse vraiment pantoise quand quelqu’un m’en parle. De ses propres sentiments de légitimité ou de confiance en soi. Je ne comprends simplement pas, et je me contente de faire des hochements de tête pour mimer une compassion que je n’ai pas vraiment puisque l’absence d’empathie dont je fais alors preuve, prend des airs de buissons sec protagoniste d’un Western Spaghetti. Je vous écoute, mais je suis vraiment désolée, il ne se passe rien dans mon cerveau.

J’ai donc essayé de comprendre pourquoi je réagissais comme cela, avec aussi peu d’émotion ou de compréhension de la situation de mon interlocuteur. Souvent une interlocutrice. Ma conclusion : j’y comprends R. Cela n’a absolument aucun sens pour moi. Je crois que je n’ai jamais ressenti ce truc de ne pas savoir si je devais être là ou pas, si je devais (pouvais ?!) faire quelque chose ou pas, parce que :

  • trop occupée à tenter de réaliser ledit truc sans exploser en plein vol,
  • trop en colère contre la planète entière.

Ce week end, j’ai fait un cauchemar où quelqu’un corrigeait un de mes textes en écrasant mon stylo à plume contre le papier. Pour finalement exprimer le fait que je parle beaucoup trop mal français pour rédiger quoi que ce soit de compréhensible. J’en ai parlé à une amie, elle m’a demandé “imposter syndrome dream?”. Ma réponse : “connard dream, oui”.
Pas d’amalgame, j’aime beaucoup la personne qui m’a dit ça dans mon rêve. Mais vraiment. Je n’ai pas le temps de me demander si ce que je fais est dans mes cordes ou pas. Je saute et je vois ce qu’il se passe après.


Je mets des liens d’afil’, c’est la crise. Y’a pas de petit profit.

Photographie prise avec mon magnifique Canon G7X mii.


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