Comment j’ai réussi mon mémoire de recherche – digital humanities

L’année dernière j’étais en Master 1 Culture et Métiers du Web, cette année d’étude a été extrêmement enrichissante mais ce que j’ai préféré est sans aucun doute l’écriture de mon mémoire. Ce fut dur, ce fut épuisant et j’ai eu des moments de doute. Malgré tout cela et la grande incompréhension de mon sujet par certaines personnes, je l’ai terminé, rendu et soutenu.
J’ai même eu une assez bonne note et des félicitations. C’est d’ailleurs une assez grande fierté. :-)
Alors comme je sais qu’il peut s’agir d’une véritable épreuve, voilà mes trucs et astuces…
C’est bien entendu incomplet, tout ne tient pas en un billet  de 2 500 mots. Mais ce sera l’occasion de faire d’autres billets sur des petites astuces pour gagner du temps. ;-)

Le choix du sujet

Un jour, en début d’année il y a un grand monsieur avec des lunettes et beaucoup de cheveux qui te dit que tu dois écrire un mémoire de recherche. Il te dit même que c’est ton objectif de l’année et que c’est cela qui fera de toi un étudiant différent des autres.
D’entrée de jeu, le type ne te met pas du tout la pression.

J’ai donc commencé à chercher un sujet à traiter. C’était l’époque où les affiches de sites de rencontres extra-conjugales apparaissaient dans le métro. Je me disais que ce serait un bon sujet : les relations extra-conjugales par Internet, la communication du secret sur un canal géré par des personnes tierses et faussement sécurisé.
Puis je me suis demandée s’il y avait un féminisme propre au Web. Nous étions en effet une grande majorité de filles dans une formation tout de même très liée aux métiers informatiques. Est-ce que quelque chose se passe ? L’informaticien est souvent un homme, mais celui qui travaille dans le Web est-il plus souvent une femme ? Et puis finalement, le féminisme, ça ne me branchait pas.
C’est alors que j’ai vu la corbeille sur mon dock en me demandant simplement “est-ce que je peux jeter sur Internet” ?

C’était la phrase écrite sur un coin de feuille volante, très vite juste avant la séance de présentation des sujets proposés. Mais c’est devenu mon sujet, c’était mon idée à moi et celle de personne d’autre.  C’est la raison pour laquelle que j’ai décidé de traiter ce sujet. J’avais moins d’une année, mais une année qui y était consacrée. L’occasion rêvée.

La bibliographie, ne pas croire que vous n’avez rien

Bout d’espace de travail à la BPI.

La phase bibliographique, elle te sert à connaître l’existant avant de partir sur autre chose. Il y a en effet très certainement des tas de gens qui ont avant toi traité ton sujet ou une partie liée à ton sujet, dont tu pourrais te resservir. Ce sont d’abord des sources pour stabiliser tes idées, mais ce sont aussi des ressources pour trouver de nouveaux angles et de nouveaux points de vue auxquels tu n’aurais pas pensé tout seul.

Alors c’est sûr que si je cherchais un papier de recherche sur la gestion du déchet numérique à travers les réseaux… je n’allais pas trouver grand chose. Il fallait donc partir des fondamentaux.
Qu’est-ce qu’un déchet, qu’est-ce qu’on jète, qu’est-ce qu’on ne jète pas, pourquoi, comment, dans quel contexte, qu’est-ce que devient ce qui est jeté, qu’est-ce que devient ce qu’on ne jète pas, pourquoi, comment, dans quel contexte ?

J’ai alors passé de longues heures en bibliothèque et jusqu’à très tard en soirée. Du début à la fin du processus, je soupçonne par ailleurs certaines personnes d’avoir cru que je vivais dans la BPI. Ils n’étaient pas si loin du compte. :-)

Les conseils que je pourrais donner là-dessus donner sont les suivants :

  • Mon petit, tu ne révolutionnes rien. Ton idée ne vient pas d’une inspiration divine ni des muses rencontrées en haut d’une montagne. Elle découle d’une chose existante, sinon tu n’y aurais pas pensé et c’est ce qui fait la richesse de ton sujet. Si tu as l’impression de partir trop loin et de ne rien trouver, retourne aux fondamentaux et plonge toi dans un dictionnaire avant de lire des essais anthropologiques.
  • N’aies pas peur, beaucoup sont passés là. Mais prend quand même la chose au sérieux sinon tu vas procrastiner !
  • Autorise toi les erreurs et les allers-retours. Tu peux partir dans une source et noter beaucoup pour finalement te rendre compte que cela ne correspond pas à ton idée. Ce n’est pas grave. Garde tout car les erreurs font partie de ton parcours de recherche. Éliminer c’est aussi choisir et montrer qu’on connaît son sujet.
  • N’élimine pas trop vite des ressources qui pourraient s’avérer être des clefs. Lorsqu’on entame ce parcours, qui est aussi un parcours intellectuel, on ne sait pas ce qu’on va trouver à la fin. Une erreur peut s’avérer être le secret du code !
Liens utiles : 

Faire confiance en son sujet

Ton sujet, c’est le tien. Il faut le tester et l’éprouver, puis vérifier qu’il te convient et que tu vas réussir à le tenir pendant près de 6 mois.
Pour moi c’était très facile car mon sujet me passionnait. J’avais sans cesse des idées (j’en ai toujours) et je savais de quoi je parlais. Le plus difficile était de l’exprimer et de réussir à transmettre mon idée : convaincre que ton idée n’est pas folle et ne sort pas des chemins tracés pour valider ta fichue année universitaire.
Pour cela, le dialogue avec d’autres personnes qui ne sont pas de ton domaine est important. En effet, cela te permet aussi de tester par quel bout prendre le lecteur.

Si ton interlocuteur ne comprend rien, il peut y avoir plusieurs raisons à cela :

  • il s’en fout,
  • tu expliques mal,
  • ton sujet n’est pas encore si bien défini que cela.

J’ai écrit mon mémoire presque comme une histoire, d’ailleurs l’introduction est une totale auto-fiction qui immerge le lecteur dans une situation qui va lui permettre de saisir tout ce qui suit. Le reste, je n’expliquais pas mais je racontais. Je voulais le tout quasiment pédagogique car je voulais réussir à transmettre.

Relier les idées, noter et ne pas oublier

Il y a quatre choses dont je me suis beaucoup servie durant toute la période de travail sur ce mémoire.

Le carnet de note a été indispensable. Il permet de faire des dessins et des schémas compréhensibles par moi-seule, de noter les horaires d’ouverture des endroits où je dois me rendre… mais c’est surtout un carnet de bord. J’ai en effet pris le réflexe (même au bureau) de noter l’heure à laquelle je commence quelque chose et l’heure à laquelle je termine cette même chose.
Au fur et à mesure cela me permet d’estimer en combien de temps je peux faire tant de choses pour optimiser mes sessions de travail. J’ai deux heures devant moi et je suis à 20 minutes à pieds de la bibliothèque, est-ce que cela vaut le coup que j’y aille ?
Sans doute que oui, car la dernière fois j’ai fait telle et telle chose en 1 heure et demi.
C’est également un support sur lequel je peux facilement revenir pour me rappeler une ancienne idée abandonnée, et qui s’avère finalement pas si mauvaise que cela.

Le mindmapping – carte heuristique en français – m’a sauvée. À un moment donné, les informations devenaient beaucoup trop denses et diversifiées. Mon carnet n’était pas suffisant et j’ai eu de grandes difficultés à organiser mes pensées. J’ai alors eu surtout très peur d’avoir un mémoire composé uniquement de morceaux de pensées dont la seule fonction était de boucher des trous.
J’ai alors utilisé mindmeister pour tout rennoter. Ce fut long mais extrêmement utile. J’ai réussi à discerner des parties, des points en commun, des arborescences et des liaisons entre différents sujets.
Quand tu t’embrouilles, tu poses tout sur la table et tu regardes. L’idéal, serait de faire ce travail et de laisser un peu reposer, puis de revenir sur sa carte pour voir si on la comprend toujours, ou si cela ne vaut pas le coup de réorganiser (ou de regrouper) quelques petites choses.
Le travail est rude, car il s’agit d’un puzzle d’une pensée pas encore aboutie.

Extrait de mindmapping pour le mémoire “Le déchet Web”.

Evernote a l’avantage d’avoir une version mobile. Cela m’a permis de m’archiver pas mal de notes visuelles en prenant en photos rapidement des éléments avec mon téléphone. C’est également assez pratique lorsque je pense à des noms ou à des sites que je dois consulter. Ainsi il n’y a plus qu’à cliquer ou à copier/coller la requête dès que je retrouve mon ordinateur.

Quant à Dropbox, ce petit m’a été d’une très, très, très grande utilité. La déportation de mes dossiers fut certainement un des éléments qui a fait que j’ai pu avoir un suivi assez continu de mon avancement. En effet, quel que soit l’endroit où je me trouvais, je pouvais m’envoyer des fichiers *.txt dans lesquels il y avait des bribes de paragraphes. Parfois je me contentais tout simplement de créer un dossier.
Un dossier = une idée = un certain nombre de ressources = des images, des commentaires => un futur paragraphe ?

Comment j’ai organisé les données et la documentation de mon mémoire.

Connaître son rythme d’écriture

Et sur ce point, je dois admettre que le fait de tenir un blog depuis quelques temps a été pour moi un énorme atout.

Pour l’écriture, je fais la différence entre le temps de composition et le temps de rédaction pure. Disons que pour mon mémoire, le temps de composition a duré 5 mois, tandis que la rédaction a tenu en 1 mois.
Savoir à l’avance que je suis capable de travailler un certain nombre d’heures le soir sans perdre la tête est plus qu’utile.

Mais la connaissance de son rythme d’écriture, c’est aussi la connaissance de son schéma de pensée. Par exemple, en ce qui me concerne… c’est le bordel dans ma tête. Imaginez donc une partie de Sim City 4 bien aboutie avec des flux dans tous les sens mais dont la circulation commence à sérieusement bouchonner. C’est à peu près ce qui se passe dans ma tête. Je sais donc qu’il est inutile que je me force à adopter une écriture linéaire.
Une fois que j’ai composé (mis en place la structure, découpé), je peux passer d’un chapitre à l’autre sans trop de problème à partir du moment où le support dont je me sers pour écrire est assez détaillé.

Extrait de mon plan détaillé, 7 pages au total…

En ce sens, j’ai pris énormément de soin à rédiger des transitions car je me suis dit qu’il était également possible qu’on ne lise pas mon mémoire de manière linéaire. J’ai donc fait en sorte que chaque partie ou sous-partie puisse se lire à peu près indépendamment.

Dans ce contexte, le travail de mon plan n’a pas été juste pour la frime, et je pense avoir mis environ 3 jours complets à travailler uniquement la structure et le schéma que j’allais adopter pour mettre en place les différentes idées.
Mon tuteur avait d’ailleurs assez peur que mon mémoire parte dans tous les sens (sûrement autant que moi) et ce document m’a permis une dernière validation avant la phase purement rédactionnelle.
Mais comme vous pouvez le voir, le document en soi ne m’a pas suffi comme en témoignent les multiples annotations. Vous pouvez notamment voir des codes du types A34 ou autres qui correspondent aux références que j’ai donné à mes différents documents. Étant une grande malade, j’ai utilisé une nomenclature assez précise de mes documents pour pouvoir m’y retrouver. En bref, les annotations en couleurs que vous voyez sur la photo ci-dessus correspondent aux références des éléments que je ne dois pas oublier de citer, aux mots-clés essentiels ou encore aux choses sur lesquels j’ai du retard.

La phase d’écriture

Voici un petit exemple de ma gestion maladive de mes fichiers informatiques. Syphaiwong-BAY_Redaction_AAAA-MM-JJ_Wnn

W01 correspond au numéro de la version. Vous pouvez donc voir que pour la pure rédaction j’ai eu 18 séances de travail du 31 mars 2012 au 11 mai 2012.
Je passais en moyenne 3 à 4 heures par soir en semaine à rédiger, et 6 heures par jour le week end.

Handcrafted versionning

On dit souvent qu’il faut sauvegarder tout le temps. Le fameux ctrl + S ou pomme + S sans arrêt. La notion de gestionnaire de version est un truc que j’ai découvert lors de mon travail pour les RMLL qui m’a d’ailleurs ouvert de nombreuses perspectives.
L’utilité d’avoir plusieurs versions n’est pas anodin. Ce ne sont pas juste des étapes de progression mais un historique des modifications.

Ensuite en terme d’outil de rédaction, je pense qu’il faut surtout utiliser l’outil avec lequel on est le plus à l’aise. Pour ma part j’ai utilisé à fond Word qui s’avère être quand même assez puissant pour gérer des feuilles de style et les notes de bas de page. Si tu préfères LaTeX ou Pages, fais toi plaisir ! Maintenant, l’idée est d’être à l’aise dans l’écriture mais aussi et surtout pour la relecture.

Mise en place de la feuille du style, et de la structure avant rédaction.

La relecture

Mon tuteur de mémoire – V.L. si tu me lis, spéciale cacedédi – nous a conseillé de nous relire quasiment après chaque phrase, chaque paragraphe, chaque partie. Je l’ai fait, et c’est utile.
Cela ne m’a par contre pas éviter de produire une 1ère page de mémoire exécrable  Cette première page fait extrêmement peur. Mais là nous parlons de relecture personnelle.

Pour faire relire aux autres, qui n’ont pas que ça à faire, c’est pas mal d’exporter les sections et de faire relire par partie. Ainsi cela m’a permis de tester mon idée de rendre des parties à peu près indépendantes les unes des autres. Par ailleurs, cela permet aussi de tester ton logiciel au niveau de l’export pour voir s’il gère bien les PDF, la compression dudit PDF pour l’envoi par mail et pour l’impression.

Bien entendu, j’ai demandé aux lecteurs de faire attention à l’orthographe et à la syntaxe. Néanmoins (mot compte triple) ma première demande a été qu’on me signale à tout prix si une partie ou même une phrase était incompréhensible. C’était là ma grande crainte.

L’impression

Un gros tas de papier !

Cela coûte cher.

Pour deux exemplaires, j’en ai eu pour une centaine d’euro même en sous-traitant par mon imprimante – qui en est presque morte – et en reliant à l’extérieur. Vous pouvez aussi faire tout imprimer et relier par un copiste et cela ne coûte pas forcément si cher. Seulement il faut tout de même savoir que vous n’allez pas dépenser 5 euro d’impression mais plutôt dans la soixantaine au minimum.

En ce qui concerne la reliure, je vous conseille surtout de prendre du solide. Pas forcément joli, mais solide. Votre mémoire va être manipulé dans tous les sens, annoté, corné, plié, transporté… Il faut que cela tienne le coup !

La soutenance

Je ne sais pas si je peux vraiment donner des conseils sur la soutenance. J’ai fait la mienne qui s’est bien passé, j’ai assisté à d’autres… mais je ne suis pas jury.
Par contre, je peux vous parler de ma stratégie :

  • parler de ses erreurs de parcours, de ses aller-retours,
  • ne pas faire un exposé,
  • partir de la question, parler des différentes pistes,
  • ne pas parler uniquement de ce qui a fonctionné et donné des résultats,
  • montrer que le sujet t’a vraiment intéressé, et que c’est TA recherche,
  • parler des suites possibles de la recherche, quelle partie supplémentaire pourrait la compléter ?
  • ne pas boire de café avant.

Et puis zut, tu as bossé 6 mois dessus, ne te laisse pas démonter !

Quelques lectures utiles :
Le mémoire de recherche en information-communication
Méthodologie de la recherche en sciences de gestion: Réussir son mémoire ou sa thèse
Réussir la rédaction et la soutenance d’un mémoire de recherche : Guide pratique
Le mémoire de recherche en sciences sociales


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