Tout prend du temps

Je ne saurais pas dire à quel moment on peut dater mes débuts dans l’entrepreneuriat. Je n’ai pas envie de raconter n’importe quoi. Si nous considérons la fondation de l’agence, cela date d’avril 2016. Si nous parlons du projet de l’agence, cela commence en janvier 2015. Mais si nous tenons compte de mes activités indépendantes développées avant, remontons encore en 2011. Enfin, si nous évoquons les jours où j’ai aidé mes parents à vendre des nouilles… hm ? Je me demande quel personnage je serais dans Bob’s Burger.

Mais peu importe, en réalité la leçon que j’ai apprise et que j’aimerais vous présenter aujourd’hui, provient de l’expérience cumulée pendant toutes ces journées, semaines, mois et années à tenter de monter un projet, le faire croître et le développer. J’ai accepté que tout prenait du temps, tout demande à être construit, et que oui, l’expression « Rome ne s’est pas construite en un jour », ce n’est pas n’importe quoi.

La vie de l’entrepreneur·e est une course d’endurance terrifiante.

Il n’y a absolument aucun répit, autant pour la partie positive que pour la partie négative. Quand j’ai commencé le projet Assonance.Agency, mes collègues de l’époque m’ont offert un stage de surf au moment de mon départ. Magnifique cadeau. J’avais été particulièrement gâtée en de nombreux points.

Je me souviens de ces séances où je ramais avec mes bras pour faire face aux vagues, puis je me tournais et je tentais de glisser, de me lever, pour finalement tomber encore et encore. Et une fois à terre, une vague m’assommait ou me jetait au sol. Parfois, elle me faisait même rouler quelques mètres plus loin. C’était cruel mais je recommençais. Je continuer à affronter la vague. Non pas pour la dompter mais pour parvenir à m’en servir à la fois moteur pour avancer. Vous pensez que c’est à cause de ça que les surfeurs ont autant de style ?

Finalement, je n’ai pas changé toute ma garde-robe pour m’habiller uniquement en Roxy. Mais j’ai monté une micro-entreprise quelques mois afin de commencer à travailler en indépendante, le temps de prendre une décision du côté des statuts et de chiffrer mes besoins. Puis j’ai créé une entreprise (EURL) afin de constituer un historique le plus tôt possible. Aujourd’hui, je m’en remercie. Mais surtout ce n’était que le début.

La première année fut tranquille, mais j’ai fait face au feu RSI et l’absence de couverture médicale à cause d’une perte de dossier. J’ai aussi affronté des erreurs de calcul de cotisations me avec une administration me réclamant 70 % de mon bénéfice immédiatement, avec l’épée de Damoclès des 10 % de pénalité. Je n’ai pas touché d’aides comme le chômage ou tout autre financement quelconque. C’était un sprint quotidien.

J’ai aussi envoyé mes premières lettres de mise en demeure, vu mes premiers contrats non respectés par l’autre partie, reçu mes premières menaces au téléphone pour espérer faire pression sur moi afin de ne pas payer une facture (pas si importante), constaté mes premiers vols de travaux, et rencontré mes premiers interlocuteurs s’avérant beaucoup moins bienveillants que prévu.

J’ai aussi lu mes premiers bilans et comptes de résultats. J’ai décidé le passage à l’IS et j’ai participé aux appels d’offres aux conditions farfelues. Dans tout ça, j’ai appris à négocier, à dire « non » parfois. J’ai aussi dit « oui » quand il ne le fallait surtout pas, j’ai ressenti une grande culpabilité avant de me rendre compte qu’exister en fonds propres sans financement était déjà incroyable. J’ai fait commandé des contrats de travail, j’ai signé des ruptures conventionnelles et j’ai reçu des démissions. J’ai surtout appris que je serai quoi qu’il arrive toujours la méchante de quelqu’un, ou la personne dont c’est toujours la faute mais pas si souvent grâce à qui. Surtout, j’ai compris que tout prenait du temps et que la vitesse de croissance ou de lancement de projets n’était pas un gage de qualité.

Entreprendre, c’est être endurant. C’est toujours se relever quand ça ne va pas, mais aussi toujours partir un peu plus loin quand ça va. Sauter un petit peu plus loin pour prendre un autre risque. J’ai réalisé que je suis souvent seule dans le risque à prendre réellement, car la seule responsable de tout. Les évènements m’ont fait comprendre que le fait de se remettre en question, ce n’est pas forcément se jeter la pierre ou se flageller au sujet de ses fautes. Il s’agit de réussir à changer de plan quand il le faut, prendre des décisions difficiles et accepter aussi qu’il y a des facteurs externes qui ne sont pas de notre ressort. Mais il est indispensable d’équilibrer tout cela en ne rejetant pas la faute sur les autres non plus, tenter d’être réaliste et lucide. Ce dernier point est vraiment difficile par moment.

Ne pas subir un MVP.

Il est très facile d’écouter les sirènes de la croissance et des annonces pétillantes sur LinkedIn. Cependant, ce n’est pas parce qu’on ait déjà besoin de ramener rapidement du cash qu’il faut faire les choses de façon bâclée. Révéler moins, c’est divulguer et commercialiser moins en quantité, jamais en qualité.

Selon ses moyens, ses disponibilités, et ses priorités à moyens et longs termes, il est difficile de tout faire d’un coup. Un nouveau visage pour une communication peut cacher en coulisse des mois (années ?) de préparation et formation pour aller vers une nouvelle offre publique. Le bon Minimum Viable Product peut être celui que le client trouvera séduisant. Mais c’est aussi celui qui sera le plus viable pour soi : en étant assez fiable pour être un produit complet en soi, porter fortement ses valeurs, établir des fondations solides pour la suite.

C’est ainsi que j’ai, cette semaine, décidé de repousser un projet que j’aime énormément et auquel je pense depuis 2016. Je m’y étais de nouveau collé grâce à une plus grande disponibilité mentale début 2023. Mais vous n’en entendrez réellement parler qu’en 2024, parce que c’est mieux ainsi pour énormément de raisons. Pour certains, l’échéance de 2024 peut paraître lointaine mais dans mon esprit c’est demain, déjà un peu hier… pendant que je pense déjà à après-demain.

Faire confiance en ses collaborateurs pour aujourd’hui et envisager après-demain.

Je me souviens que quand j’ai commencé à embaucher, on m’a immédiatement dit qu’il fallait que j’apprenne à déléguer parce que c’est complexe de le faire. Mais… je n’attendais que cela ! Sauf que je n’avais peut-être pas exactement compris comment, et surtout… que faire maintenant que j’ai délégué ? Car une fois que l’on confie une tâche à quelqu’un, il s’agit aussi de ne pas la répliquer soi-même. Pour ma part, j’ai la fâcheuse tendance à déléguer vite au sens où je considère rapidement que cela n’est plus de mon ressort. Il m’a fallu comprendre et mettre en place le juste dosage de présence à avoir auprès des collaborateur·ice·s. Et encore, je pense que j’ai toujours des progrès à faire. J’ai donc réalisé que dans ma situation, déléguer consistait à leur laisser faire le travail qu’ils font bien. Il faut que je leur donne l’espace suffisant pour qu’ils exercent leurs métiers respectifs. Je peux ainsi penser à demain, à après demain, puis préparer la suite pour que nous puissions avancer. Au final je n’aime pas l’idée de faire croître l’agence. Je préfère dire qu’il faut la développer. C’est un mot différent, je crois qu’il correspond mieux à l’idée que je me fais de cette aventure.


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