Sade, une passade d’Orsay

L’exposition “Sade, Attaquer le soleil” au musée d’Orsay à Paris a lieu du 14 octobre 2014 au 25 janvier 2015. Une longue période pour une longue exposition que j’ai pu visiter.

Je ne connais pas vraiment Donatien Alphonse François de Sade, de réputation à peine, et je ne me suis jamais vraiment intéressée au personnage. J’avais en tête quelque chose de sulfureux, scandaleux, sadique. La bande annonce réalisée par le musée pour illustrer l’exposition semblait me confirmer cette idée.

Je n’ai pas aimé cette exposition, au sens où je n’ai pas ressenti la satisfaction que j’aie à chaque fois qu’une exposition me plaît : être touchée par une démarche, avoir appris quelque chose.

L’œuvre de Sade est une oeuvre littéraire, composée de plusieurs livres censurés pour être ensuite réhabilités. On peut aujourd’hui se procurer sans aucun problème un ouvrage du marquis et découvrir son monde. Or le musée d’Orsay est un musée pictural, qui présente des peintures, des sculptures. Quel est donc le rapport ?

Une exposition sur la représentation de ce qui est choquant ?

Pourtant on imagine facilement une exposition sur Baudelaire au musée d’Orsay, tant il a commenté une partie des œuvres qui y sont exposées . L’une d’elle est même le sujet d’un poème ((“Le masque”, Baudelaire, Les fleurs du mal, 1857)).

Si on veut vraiment une exposition sur Sade, je pense qu’on peut être déçu. La biographie de Sade est présente, mais ce n’est pas une exposition sur l’homme. Bien que la présentation de l’exposition n’a jamais dit que c’était le cas, on peut malheureusement s’y attendre à cause du titre un peu vague… trop poétique ?

Mon ressenti autour de l’exposition “Sade, Attaquer le soleil” est semblable à une conférence de littérature comparée ((“La littérature comparée est une approche multi-disciplinaire qui consiste en l’étude conjointe ou contrastive des littératures de différentes aires linguistiques, mais aussi de différents médias et types d’arts.” : http://fr.wikipedia.org/wiki/Litt%C3%A9rature_compar%C3%A9e)) bien dégueulasse. Le musée affirme sur son site ceci :

Le caractère violent de certaines oeuvres et certains documents est susceptible de heurter la sensibilité des visiteurs.

Certaines œuvres, certains documents… ça peut en réalité être beaucoup ! Lorsqu’il s’agit de peintures ou de sculptures, j’ai réussi à prendre du recul par rapport aux sujets. Après tout on a l’habitude de voir Saint-Sébastien transpercé de flèches et agonisant. Lorsqu’il s’agit de photographies, le caractère réel du document me cloue et me donne envie d’immédiatement oublié ce que je viens de voir.

L’exposition est un catalogue des représentations picturales de ce qu’aurait amorcé Sade avec ses écrits, c’est-à-dire la formulation de la souffrance, du sexe, du viol, de l’inceste, de la torture, du sadisme, de l’athéisme, etc. Le tout est long et très dense. La violence de certaines images est telle qu’on peut ressentir une overdose selon sa sensibilité. Pour ma part j’ai surtout eu un sentiment de lassitude. Je suis capable de me détacher du sujet pour être assez peu choquée pour tenter de voir pourquoi on l’a mise là. Seulement après une, deux… une dizaine d’images aussi violentes, je ne voyais plus l’intérêt.
Auto-censure de ma part, ou réflexe de protection avant que je ne tombe dans les pommes ?

J’ai vu des visiteurs chercher la sortie à la moitié de l’exposition tant ils n’en pouvaient plus.

Peut-être un manque d’explication n’aidant pas le visiteur à garder son calme

Je ne comprenais pas bien ces jolies pancartes de bois. Très belles pancartes d’ailleurs : des plaques de bois où étaient gravées des citations qui ont certainement du rentabiliser une découpeuse laser.
Cependant, détail peut-être, mais j’ai eu du mal en tant que visiteur à comprendre qu’ils s’agissaient de citations : pas de guillemet, pas de texte en italique. Tantôt ces mots étaient de Sade, tantôt non, mais la source est si petite qu’on peut ne pas y prêter attention tout de suite.

Les textes sur les murs avant chaque partie de l’exposition introduisaient le propos, expliquaient le découpage. J’ai peut-être été déçue par le manque d’explications sur quelques œuvres emblématiques comme une esquisse d’Angélique par Ingres ((Esquisse d’Angélique pour le tableau “Roger délivrant Angélique” de Jean-Auguste-Dominique Ingres, inspiré du Roland furieux par L’Arioste. : http://fr.wikipedia.org/wiki/Roger_d%C3%A9livrant_Ang%C3%A9lique)).

Mon petit doit me dit que pour cela, il aurait fallu que je prenne l’audio-guide. Alors audio-guide, complément facultatif enrichissant, ou obligation pour profiter de l’exposition ?

Le scandale habilité et le scandale à interdire

Le musée d’Orsay n’est pas à sa première fois dans le domaine du je mets dans un grand musée des gens à poil , et l’an dernier l’exposition “Masculin / Masculin. L’homme nu dans l’art de 1800 à nos jours ((Page Web de l’exposition sur le site du musée : http://www.musee-orsay.fr/fr/evenements/expositions/archives/presentation-generale/browse/1/article/masculin-masculin-37292.html))” (super sujet) n’avait pas eu une très bonne critique non plus.

Mais pendant qu’une partie de l’opinion est prête à détruire une œuvre (commandée, payée, autorisée dans l’espace public), puis à agresser son auteur ((“Plug gate” : Paul McCarthy renonce à regonfler son sapin géant, Télérama.fr :  http://www.telerama.fr/scenes/mais-qui-est-paul-mccarthy-l-auteur-du-sapin-gonflable-qui-ressemble-a-un-plug-anal,118160.php)), alors qu’une exposition aussi sulfureuse  que celle dont je parle aujourd’hui peut réellement heurter la sensibilité a lieu dans le haut lieu de prestige qu’est le musée d’Orsay… que conclure ?
Pendant qu’une exposition sur le Kama Sutra ((Le Kâma-Sûtra à la Pinacothèque de Paris : http://www.pinacotheque.com/?id=48)) à l’affiche absolument raccoleuse en 4×3 dans le métro pour promouvoir la Pinacothèque de Paris, une pétition s’insurge contre l’exposition le Zizi sexuel à la Cité des sciences et de l’industrie présente depuis des années ((Non, l’expo « Zizi sexuel » n’est pas vulgaire, lesinrocks.com : http://www.lesinrocks.com/2014/10/24/actualite/on-alle-lexpo-zizi-sexuel-ce-nest-pas-vulgaire-11531603/)) et qui parle concrètement du programme de SVT de 4e… y a-t-il un paradoxe ?

Cela fait bien deux ans qu’on dispose en tête de gondoles des romans érotiques dans les librairies, tout en essayant de ventre Violeta à toutes les jeunes filles !

Alors scandale ou pas scandale pour “Sade, Attaquer le soleil”, je ne sais pas, et je n’ai envie de partir en croisade pour si peu, bien que l’exposition m’a rendue bien maussade !


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